Chapitres

Chapitre 1
Brésil, siècle XVI
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Lors des voyages entre l’Europe et l’Amérique, l’hygiène était précaire et la mort rôdait dans les embarcations. Près de 20 % des passagers étaient des enfants, pour la plupart mousses, premier grade dans la hiérarchie de l’équipage. Il s’agissait de jeunes garçons recrutés parmi les misérables du Portugal et leur solde leur permettrait de subvenir aux besoins de leurs familles. Parfois, les enfants de familles juives étaient arrachés aux leurs afin de contenir la croissance de cette population, compte tenu du fait que le voyage présentait des risques et que l’on pouvait réellement y laisser la vie. Ces enfants fournissaient un travail difficile et recevaient la moitié de la solde d’un adulte.
Dans les familles, on se sentait insensibles et indifférents à l’égard de l’enfance, ce qui peut s’expliquer par la faible espérance de vie, de 14 ans à l’époque, et par le taux élevé de mortalité infantile (50 % mourraient avant 7 ans).
Au-dessus des mousses, on trouvait les pages qui étaient chargés d’un travail plus léger auprès des officiers. Les mousses et les pages faisaient l’objet de violences sexuelles, la prostitution étant une manière d’obtenir une protection (bien que la sodomie fût un crime condamnable). Les mousses souffraient des violences des marins, beaucoup d’entre eux embarquaient en l’échange d’une peine de prison pour un crime commis dans le Royaume. Les mousses pouvaient également se faire fouetter et être mis aux fers (enchaînés dans une cave).
Embarquaient également les « pupilles du roi » qui étaient lourdement surveillées puisqu’elles devaient arriver vierges dans la colonie afin de se marier. Certains colons et leurs fils jouissaient de quelques avantages sur les navires parce qu’ils y étaient passagers. Près de 20 % des embarcations faisaient naufrage et si elles subissaient une attaque de corsaires français ou hollandais, les adultes étaient assassinés et les enfants réduits en esclavage. Lors des naufrages, c’était la règle du chacun pour soi : les enfants étaient oubliés.
L’occupation portugaise jusqu’au XVIIIe siècle s’est étendue principalement sur les côtes, ce qui facilitait la communication avec la métropole, le commerce (qui opérait une triangulation entre l’Europe, la côte africaine et la côte brésilienne) et par conséquent le contrôle sur ce que les colons faisaient. Les incursions dans les terres priorisaient la capture d’Indiens, la collecte des dites « drogues du sertão » (le girofle, le guarana, le cacao, le roucou) ainsi que la recherche de l’or et de pierres précieuses. L’occupation effective des terres ne commencera qu’au début du XVIIIe siècle avec la découverte de l’or.
Les premiers Portugais arrivés n’eurent pas vraiment le choix : il fallait adapter ce que la nature offrait avec les habitudes venues du Royaume. Ainsi, le manioc, le maïs et les viandes de la chasse ont remplacé le pain, la bouillie d’avoine et le porc consommés au Portugal. Le vin, boisson chère, car importée, a laissé place à la cachaça. Les manières étaient également plus rudes. Il n’y avait pas de couverts, on mangeait avec les mains. Il n’y avait pas de porcelaines, on utilisait des gourdes. Les couteaux étaient considérés comme des armes et des outils pour ouvrir le chemin de la forêt.
La relation entre les colons et la population native variait en fonction du lieu. Sur les côtes de São Vicente, par exemple, les tupinambás étaient des partenaires commerciaux des Portugais. Cependant, on s’adonnait encore à la capture des Indiens. Les drapeaux (Bandeiras) étaient des expéditions qui s’aventuraient dans les terres pour capturer les sauvages et les réduire en esclavage. Les Jésuites, en revanche, recouraient au catéchisme pour convaincre les enfants de vivre dans les écoles où ils développaient des activités agricoles en complément de l’éducation formelle. Parfois les enfants et adolescents d’origine indigène déjà dressés par le catéchisme servaient d’auxiliaires des colons pour de petits services.
Dans les villages où on trouvait un prêtre ou une autre figure religieuse formelle, celui-ci était considéré comme une autorité représentant le Saint-Siège, le Vatican. Il imposait une veille morale et œuvrait pour le respect du canon du catholicisme par le biais du catéchisme et de l’interdiction de pratiques considérées comme de la sorcellerie.
Les villes coloniales s’organisaient autour de la place de l’église ou de la chapelle. C’était un espace où se réunissaient les fonctions religieuse et commerciale. Dans ces espaces se tenaient les fêtes et les processions (par exemple la Fête-Dieu, la Visitation de la Vierge Marie).
Les premières maisons construites par les colons étaient très simples, faites de torchis, une technique rudimentaire apprise avec les Indiens qui consistait en une structure faite de branches et de troncs remplie de boue. Les fenêtres étaient petites pour éviter l’entrée d’insectes et d’autres animaux. Il était commun de dormir dans des hamacs considérés plus sûrs que les tapis.  
Pendant l’accouchement, la présence d’une image de la Vierge enceinte ou de la Vierge parturiente. Le culte de la Vierge enceinte remonte aux XIIe et XIIIe siècles dans la Péninsule ibérique qui a accueilli la naissance du Jésus lui-même. L’image de la Vierge enceinte représente toujours la main gauche sur le ventre rond, à la fin de la grossesse. La main droite peut également apparaître symétrique à l’autre, levée. On trouve des images avec cette main tenant un livre ouvert ou bien une source, tous deux symboles de la source de la vie. Au Portugal, ces images sont souvent en pierre et au Brésil en bois ou en argile.
Le ventre de la Vierge parturiente était recouvert de reliques et de cordons colorés pour faciliter l’accouchement. Les reliques étaient des objets considérés sacrés et porteurs de pouvoirs miraculeux, car elles avaient appartenu à un saint. Ainsi, des prétendues épines de la couronne du Christ, des morceaux de flèches qui ont tué Saint Sébastien, un morceau du manteau de la Vierge Marie, un morceau de la croix, tous étaient commercialisés et utilisés pour toute sorte de rituels de protection, comme dans le cas de l’accouchement.
Durant les premiers siècles de la colonisation portugaise, la figure du médecin était pratiquement inexistante au Brésil, tout comme au Portugal. Le soin adressé à la naissance se résumait à un savoir partagé entre femmes, caché aux hommes. C’étaient les sages-femmes qui assistaient la femme au moment de l’accouchement à l’aide de prières et de rituels. La nouvelle mère pouvait se tenir debout, accroupie (comme les Indiennes) ou allongée sur un tapis. À partir du XVIIIe siècle, avec l’opulence que la découverte de l’or a apportée, les fauteuils d’accouchement ont surgi. Les conditions d’hygiène étaient précaires. L’accouchement se déroulait dans les maisons dont le sol se constituait en général de terre battue.
On offrait du bouillon de poule, de la cachaça et du vin à la nouvelle mère pour soulager ses douleurs.
Également afin de soulager la douleur et de faciliter l’accouchement, on attachait à la cuisse gauche de la mère un foie de poule fraîchement abattue.
Pour faciliter la sortie du bébé, l’organe génital de la mère était lubrifié avec de la graisse, de l’huile de lys ou de l’huile d’olive.